Sur votre compte en banque, un chiffre en rouge.
A venir, trois prélèvements. La CAF, qui vous a trouvé un trop-perçu d’on ne saura jamais où ; votre loyer, qui a augmenté parce que votre pauvre proprio est « dépassé par l’inflation » ; une amende, parce que le gouvernement a repassé la route à 80 pour la cinquième fois sans prévenir personne.
Bienvenue. C’est la réalité de millions d’entre nous, en France.

Bien sûr, ça doit être de notre faute si nous sommes dans la merde. La Caf ne nous demanderait pas de l’argent si on n’abusait pas des aides, hein.
Ce n’est certainement pas parce qu’on vit dans une société qui oblige son peuple à dédier toute sa vie à des bullshit jobs sans cesse moins nombreux, causant une augmentation de la demande par rapport à l’offre.
Ce n’est pas non plus parce que la Caf commet volontairement des erreurs pour pousser les pauvres à mourir abandonner le RSA, conformément à ce que nos aristocrates au gouvernement veulent.
Non, ça, ça doit être une théorie du complot pour justifier de la fainéantise des pauvres.

Bien évidemment, que nous sommes responsables pour nos dettes auprès de notre propriétaire. Pourquoi on a pas acheté un bien, après tout, vu qu’on est si riches, nous autres au RSA ou au chômage ? Ben oui, pourquoi on continue de louer, alors que ça n’enrichit pas ?
Regardez notre propriétaire. Il a pris un risque, lui. Il gagne sa vie honnêtement. Il mérite son train de vie.
Et s’il avait les fonds pour acheter dans l’immobilier parce que ses parents étaient riches avant lui, c’est un hasard des circonstances.

Bien entendu, que cette amende fait de nous des délinquants. Non, c’est clair, les décisions arbitraires pour le moins aléatoires du gouvernement en matière de législation ne sont pas là pour appuyer leurs propres crimes de blanchiment d’argent.
Nul n’est sensé ignorer la loi.

D’ailleurs, ces bourgeois à notre tête n’ignorent pas la loi. Ils la créent, la font et la défont en fonction de ce qui sert le mieux leurs intérêts du moment.
Non, ils ne l’ignorent pas. C’est l’inverse ; la loi ignore sciemment les plus riches. Parce que c’est eux qui l’instaurent.
Ce qui explique d’ailleurs pourquoi tant de politiciens sont régulièrement innocentés de toutes accusations, ou trouvés coupables des crimes les plus odieux mais toujours libres de recommencer.
Parce que la liberté s’achète. Comme les gladiateurs, à l’époque, s’achetaient la leur avec l’argent du sang. Ou plutôt…
Comme ils obtenaient de leurs maîtres de la leur payer.
Amusants, les parallèles entre cette époque lointaine et la nôtre, n’est-il pas ?

Mon film préféré… L’arène a changé de forme, mais le fond reste le même.
Mes chers prolos, prolétaires, précaires ; laissez-moi vous accueillir dans l’arène.
Devant vous, le sable fin s’efface sous votre poids, rouge souvenir des gladiateurs qui ont pavé le chemin de la défaite.
Dans les gradins, la masse. La classe moyenne, hurlant de toute sa puissance qu’elle veut voir couler le sang… obligée de crier en coeur, par peur d’être dénoncée pour manque d’enthousiasme par ses voisins.
Dans les loges, au-dessus, nos gouvernants. Occupés à détourner l’attention du peuple avec du pain et des jeux.
Si Lucy, l’australopithèque, avait pu vivre assez longtemps pour travailler jusqu’à aujourd’hui en gagnant le salaire français moyen, l’ensemble de ses gains ne suffirait toujours pas pour égaler la fortune de Bernard Arnault, la personne la plus riche du monde. (Statista)
Dans l’air, les vautours rôdent, prêts à se repaître sur votre cadavre. Ils étendent leur ombre ténébreuse sur l’arène, criant leur faim de souffrance dans l’air vicié par les rejets des machines d’air conditionné des gouvernants.
Mais vous, vous n’avez pas le temps de chasser les corbeaux. Pas l’opportunité de soigner votre dépression. Vous allez devoir mener combat après combat pour votre survie. Et cela, sans arme ; vous n’avez pas encore les moyens de vous en procurer, parce que vous n’avez pas encore abattu votre premier adversaire, tout aussi désarmé que vous.
Mais les spectateurs hurlent toujours.
« Allez, cède à l’appel de l’arène ! »
« Gagne ta liberté. Rien n’est gratuit ! Tue-le ! Tue-le ! »
« Tu crois que t’es meilleur que nous autres, peut-être ? Que toi, t’aurais le droit d’échapper aux règles ? »
« Allez, c’est ta nature ! Manger ou être mangé. A toi de choisir ! »
Mais quel choix merveilleux. Etonnant, comme il nous est toujours présenté tel un cadeau du ciel par ceux qui ont pléthore d’options à leur portée. Ceux-là même qui ne sont pas menacés d’être le prochain repas, mais se repaissent plutôt d’une multitude d’êtres morts pour les nourrir.
« On a toujours le choix », vous diront ceux qu’ils l’ont effectivement toujours eu.
Généralement accompagné d’un « l’argent ne fait pas le bonheur », toujours par ces mêmes personnes qui vous arracheraient la gorge plutôt que de vous laisser vous approcher de leur compte en banque.
La société est hypocrite, rien de nouveau.
Le peuple est aussi prisonnier de l’arène. Mais comme il souffre d’un manque d’empathie (puisqu’on l’a punit quand il en faisait preuve), et puisqu’il souffre aussi tout court de sa condition, il veut que vous, vous preniez encore plus cher.
Puisqu’il n’est pas libre, pourquoi le seriez-vous ?
Vous vous croyez meilleur ? Vous vous pensez différent ?

Le pouce, instrument de vie et de mort pour les gladiateurs – Image par günter de Pixabay
Impossible. On est tous égaux, n’est-ce pas, ici bas ? C’est ce qu’on nous répète depuis toujours.
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit… »
Ou pas.
Mais puisqu’on ne peut pas attaquer les gens d’en-haut, bien à l’abri dans leurs loges VIP…
Eh bien, on va s’en prendre aux plus faibles. C’est toujours plus facile – et l’humain en général ne brille pas par son courage.
Alors, quand nos gouvernants vous bercent de propagande de ce type :
« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres »
Vous, vous l’interprétez mal.
Dans le brouhaha constant de l’arène, vous avez entendu autre chose.
« Ma liberté commence là où celle des autres s’achève. »
Parce que c’est ce qu’ils voulaient que vous reteniez. Que pour être libres, il faut empiler les cadavres sur votre chemin. Sacrifier les plus faibles, parce qu’après tout, c’est notre nature.
C’est marrant, d’ailleurs. C’est pas ce que Darwin a dit.
Non, c’est ce que nos politiciens, ces psychopathes en puissance, vous ont dit.
Mais comme c’est eux qui fixent les règles de l’arène, et possèdent les clés de la liberté…
Et puisque les règles disent que pour vous libérer de vos chaînes, vous devez tuer vos frères…
Enfin, comme vous chante la propagande de l’égalité, dans l’arène du Mérite…
La foule crie « Liberté, égalité, fraternité » alors que le combat commence.
Lèverez-vous les poings pour vous défendre ? L’écraserez vous sur l’autre esclave en face ?
Ou vous retournerez-vous vers les vrais responsables de l’inégale prison qu’est notre société ?

Attention, spoiler.
Dans le troisième tome de la trilogie originale The Hunger Games, l’héroïne principale, Katniss, se retrouve propulsée contre son gré à la tête de la révolution. Dans son monde dystopique, existe le Capitole, une zone occupée par une population riche, qui n’hésite pas à se faire vomir pour goûter tous les plats possibles et imaginables, ou encore à réclamer…
Des jeux.
Les jeux de la faim. Un concept de télé-réalité qui vise à punir les autres districts, en demandant aux gueux de donner deux de leurs enfants chaque année pour qu’ils s’entretuent dans une arène, pour le plus grand amusement du peuple du Capitole.
Un peuple qui ne les considère pas comme des vrais humains, si l’on en croit le plus récent livre de la série, « Sunrise on the reaping ».
Plus exactement, un peuple auprès de qui l’on fait passer les esclaves pour des sous-humains, des êtres inférieurs.
Ca vous rappelle quelque chose ?
Mais le plus intéressant développement surgit à la fin du roman de la trilogie originale, « La révolte ». Katniss est confrontée une dernière fois au grand méchant de l’histoire, lors d’une exécution publique de l’ennemi à abattre numéro 1.
Dans les gradins, la regarde froidement la cheffe de la révolution.
Celle-là même qui vient de proposer de punir le Capitole…
En y instaurant des jeux de la faim.
Retour à l’envoyeur, n’est-ce pas ?
Ben Katniss, elle voit les choses différemment. Elle a capté que l’Histoire se répète toujours, que l’humain n’apprend jamais rien, ou en tout cas pas longtemps.
Elle a compris que le mal se soigne à la racine, pas à travers ses symptômes.
Elle tue donc la cheffe de la révolution avant que celle-ci ne devienne un nouveau vilain.

Soyons comme Katniss.
Soyons le Phoenix qui renaît des cendres d’un monde qui brûle depuis trop d’années.
Et arrêtons les incendiaires pyromanes qui répandent la mort sur leur passage, s’enrichissant ensuite par leurs sociétés de reconstruction.
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